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Histoire du Transsibérien

Trente ans d’études et de recherches ont été nécessaires avant le lancement de l’une des plus formidables aventures techniques et humaines pour ce qui ambitionne de devenir, selon les mots du Tsar en personne « une merveille des temps modernes ».

La paternité de l’idée de la construction d’une voie ferrée transsibérienne est attribuée au comte Mouraviev-Amourski, gouverneur général de la Sibérie orientale de 1847 à 1861.

En 1857, il demande au capitaine Romanov, un officier de son état-major, d’étudier et de déterminer le tracé d’une route carrossable, susceptible, par la suite, d’être transformée en voie ferrée. Romanov étudie le projet. Mouraviev-Amourski établit un plan pour l’exploitation de la ligne, qui serait concédée à une société privée. En échange, il lui serait fourni matériaux et ouvriers. Le général comte, dans un rapport daté du 23 juin 1858 adressé au grand-duc Constantin, frère du tsar Alexandre II, soutient le sérieux de l’étude faite par Romanov. Mais les provinces de l’Amour sont bien loin de St Pétersbourg. L’administration centrale ne comprend pas l’intérêt de construire une voie ferrée si lointaine. Il n’est pas donné suite à ce projet.

Le Transsibérien, Jean des Cars et Jean-Paul Caracalla, éditions Denoel

L'idée du projet transsibérien

Il a fallu attendre plus de vingt ans pour que le gouvernement s’intéresse suffisamment à l’idée de la construction d’une ligne de chemin de fer en Sibérie pour mettre en place une étude de faisabilité. Ingénieurs, financiers et aventuriers font de nombreuses propositions – parfois très farfelues – au directeur des voies de communication impérial. De nombreux étrangers ont tenté de convaincre le Tsar de leur confier les travaux de la ligne. En réponse aux propositions étrangères, des études mieux documentées et plus sérieuses vont être présentées par des Russes. Une lutte sans merci va se livrer entre villes et régions traversées par les différents projets. Ces dernières ont rapidement compris les avantages qu’elles pourraient retirer de la construction de la ligne et n’hésitent pas à utiliser toutes sortes de procédés plus ou moins honnêtes pour convaincre le ministère de privilégier tel ou tel projet.

Devant la confusion grandissante, le ministre des voies de communication commande des études approfondies destinées à souligner avec le plus de précision possible, les difficultés de cette immense entreprise ainsi que le budget qui sera nécessaire pour construire les différents projets. Finalement, un consensus est obtenu en 1883 pour la construction d’un premier tronçon prolongeant la ligne d’Ekaterinbourg à Tioumen. Terminé en 1885, ce trajet devient la première maille de ce qui va devenir le Transsibérien.

Les développements économiques et politiques des années qui vont suivre vont avoir un impact très important sur les choix de la construction. Des inquiétudes face à l’agitation militaire chinoise dans la région du Baïkal vont précipiter les choses. Le Tsar s’implique personnellement pour s’assurer de la prise en compte des intérêts militaires. Une ligne de chemin de fer permettra aussi de transporter rapidement et de manière sûre des troupes. Il en va de l’intégrité territoriale de l’empire. L’enjeu stratégique de la construction de la ligne va progressivement prendre le dessus et les crédits nécessaires à la concrétisation des projets. Mais les difficultés financières que traverse l’empire ralentissent l’avancée des études.

Finalement, et au prix de luttes incessantes entre les différents ministères, il est décidé que, pour réaliser les travaux en un minimum de temps, la construction commencerait aux deux extrémités du tracé, à Vladivostok, côté Pacifique et à Tioumen, côté continental. Seule l’implication personnelle du Tsar Alexandre III qui comprend le rôle stratégique d’une telle entreprise, permettra d’arriver, le 24 février 1891, à l’attribution d’un crédit de 7 millions de roubles pour la construction du tronçon entre Vladivostok et Grafskaia, lançant ainsi la construction du Transsibérien.

Le 29 mars 1891, l’empereur publie le document suivant:

Altesse Impériale

Ayant ordonné de commencer la construction, à travers toute la Sibérie, d’un chemin de fer qui réunira les différentes provinces de ce pays, si richement favorisé par la nature, au réseau ferré de l’intérieur de l’Empire. Je Vous charge de faire connaître à tous Ma volonté, lorsque Vous remettrez le pied sur le territoire russe, après avoir visité les pays étrangers de l’Orient. Outre cela, Je Vous charge de poser, à Vladivostok, la première pierre dans la section oussourienne de la grande voie ferrée de Sibérie, dont la construction est autorisée aux frais de l’Etat et sous la direction immédiate du Gouvernement.

Votre importante coopération, dans les débuts de cette entreprise, servira d’éclatant témoignage de l’ardent désir, que J’ai de faciliter les relations de la Sibérie avec les autres parties de l’Empire et fera connaître à tout ce pays, que J’affectionne particulièrement, combien grands sont les soins que Je prends à son développement pacifique.

J’implore la bénédiction de Dieu sur le long voyage que Vous avez encore à faire à travers la Russie.

et Vous aime toujours sincèrement.

Alexandre

Ainsi, le 31 mai 1891, Nicolas, de retour du Japon, lance depuis Vladivostok la construction de la formidable ligne de chemin de fer.

Le rôle du Transsibérien dans l'histoire de l'Empire

La Sibérie, territoire infini grand comme des dizaines de fois l’Europe toute entière est entré dans l’histoire de la Russie autour du XVIIIe siècle lorsque les premiers Cosaques sont arrivés dans la région de Tobolsk et y ont vaincu le Khan régnant sur ces immenses pleines. Une première victoire qui en annonce de nombreuses autres jusqu’à la construction du transsibérien et la ligne Baïkal-Amour terminée au début des années 1980.

Territoire d’aventures au delà de l’Oural, un monde inconnu et infini qui depuis soulève la curiosité et les convoitises du simple voyageur comme des dirigeants successifs de l’immense empire Russe.

Des premières et lentes caravanes conduites par les marchands de fourrure aux Express du transsibérien, l’histoire des voies de communication à travers la Sibérie à commencé bien avant l’arrivée des Russes. De longs mois étaient nécessaires pour ramener les fourrures précieuses achetées aux populations nomades habitant les lieux. Si tout se passait bien, seule une petite partie du convoi revenait saine et sauve. S’ils n’étaient pas morts de froid de faim ou terrassés par les nombreuses maladies qui infestaient les régions traversées, les courageux marchands-aventuriers devaient encore faire face aux assauts des populations hostiles et des animaux sauvages. Cette grande incertitude liée aux difficultés de la route s’est étendue sur des siècles avant l’apparition de la ligne de chemin de fer que nous connaissons aujourd’hui. La distance, toujours cette distance interminable du chemin pour atteindre la Sibérie. Des semaines, des mois et parfois des années pour faire l’aller-retour.

C’est sous le règne de Pierre le Grand puis de Catherine II (dite Catherine la Grande) que la Sibérie est devenue un véritable centre d’intérêt pour les autorités. Sous l’impulsion des grandes idées des Lumières, les géographes dressent les premières cartes et procèdent à une étude de la topographie de l’immense région. Scientifiques et militaires organisent des expéditions de reconnaissance dans des régions dont il était encore impossible d’imaginer l’existence. C’est également à cette période que l’idée – folle – de relier St Pétersbourg à Pékin traverse l’esprit des hommes de l’époque.

Ainsi, en 1781, Voltaire, grand russophile, occupé à rédiger une biographie de Pierre le Grand écrit dans une lettre au commanditaire de l’oeuvre : « Il est tout à fait envisageable de se rendre de St Pétersbourg à Pékin par la terre en ne traversant qu’un nombre restreint de montagnes et de fleuves ».

Avec les ambitions d’expansion à l’Est de l’Empire russe, la Sibérie devient le centre des préoccupations des autorités politiques et militaires. En 1806, un gouverneur général est nommé pour administrer les deux zones administratives que forment désormais la Sibérie orientale et la Sibérie occidentale.

Les expéditions se poursuivent et les rumeurs sur les fabuleuses richesses de la Sibérie remontent jusqu’aux oreilles du Tsar Nicolas Ier. Le commerce de fourrure se développe et apporte des revenus importants à une Cour impériale de plus en plus dépensière. La ruée vers l’or aux Etats-Unis éveille les plus folles espérances. Certains vont même jusqu’à annoncer que la Sibérie abriterait des gisements du fabuleux métal jaune…

Obtenir des informations crédibles rapidement devient donc une nécessité impérieuse… et impériale. A l’image du personnage romanesque créé par Jules Verne, le rôle des coursiers prend une dimension nouvelle. A l’époque à laquelle Jules Verne écrit son célèbre feuilleton, il fallait au moins 18 jours pour relier les 5’500 km qui séparent Irkoutsk de Moscou. Généralement, quatre à six semaines avec un rythme soutenu et au travers de territoires hostiles. Hostiles car peuplés de brigands, mais hostiles aussi par une nature sans concession pour l’homme, aussi courageux fussent-il. Le Trakt, ancêtre de la ligne ferrée, pouvait disparaître sous les inondations. Le blizzard et le brouillard pouvaient égarer le voyageurs en quelques heures. Les loups affamés pouvaient attaquer les chevaux, obligeant les hommes à poursuivre leur route à pied, les conduisant à une mort quasiment certaine.

Histoire de la Sibérie, le pays de nulle part

Les conditions et la durée de voyage expliquent donc pourquoi la plupart des gens qui devaient emprunter ce chemin ne le faisaient pas de gaîté de coeur. La déportation massive a commencé dès les premiers jours de la découverte de la Sibérie, bien avant qu’un Staline ou un Hitler l’utilisent. Ainsi, sous le règne de Pierre le Grand déjà, les fortes têtes et autres indociles sont envoyés dans cette immense prison sans mur ni barreaux. Ici, le gardien est l’espace, les murs sont le froid glacial et les barreaux la distance. De simples criminels de droit commun, mais aussi des favoris de la Cour tombés en disgrâce ou des opposants politiques sont déportés pour plusieurs années en Sibérie pour méditer sur les avantages et inconvénients de la désobéissance. Une déportation qui correspond le plus souvent à une véritable condamnation à mort, une majorité de condamnés n’arrivant jamais sur leur lieu de déportation. L’une des plus terribles déportations venait de commencer, destinée autant à éloigner les indésirables qu’à peupler une région particulièrement hostile.

Parmi les plus célèbres déportés sous l’empire, on trouve des princes (les Décembristes, nom donné aux participants à la révolte contre le pouvoir du Tsar du 14 décembre 1825), des écrivains comme Feodor Dostoïevski qui passa plus de quatre années de travaux forcés en Sibérie (une expérience terrifiante qu’il relate dans Souvenirs de la maison des Morts et dans Carnets de Sibérie) et même des membres de la famille impériale.

En hiver, il faut affronter des températures en dessous de 50 degrés centigrade qui tordent même le fer des chaînes des prisonniers. En été, aucun répit puisque la température peut monter jusqu’à 35 degrés et qu’il faut affronter des milliards de moustiques. L’ennemi de 2 millimètres volant vient même à bout de régiments militaires entiers et rien ne les arrêtent.

L’envoi massif de populations dans ces régions a provoqué un problème auquel les autorités de St Pétersbourg n’avaient pas réellement pensé. Malgré le télégraphe qui existe dès 1864, les nouvelles mettent au moins 15 jours pour arriver à la Capitale et il devient de plus en plus difficile de maintenir l’autorité impériale dans l’immense Sibérie. La conquête ferroviaire américaine donne de nouvelles idées aux géographes russes : il faut construire un chemin de fer au dessous du 60e parallèle. Le Transsibérien était le seul moyen d’implanter définitivement le pouvoir russe à travers le continent et de prouver au monde entier la puissance du plus grand empire du monde.